FDSEA du Haut-Rhin
« Il faut préserver l’accès à l’eau pour les agriculteurs »
FDSEA du Haut-Rhin
Publié le 19/01/2023 | par Jean-Michel Hell
Les différents épisodes climatiques de ces dernières années incitent la profession agricole à être force de propositions et de vigilance sur le dossier de l’eau. Les professionnels entendent rappeler que leurs droits d’utilisation sont la condition pour pérenniser leurs cultures et préserver l’indépendance alimentaire du pays.
Président de l’Apco depuis six ans, vice-président de la FDSEA du Haut-Rhin et élu à la Chambre d’agriculture Alsace, Thomas Obrecht s’est spécialisé sur le sujet de l’eau dès ses premières années syndicales chez les Jeunes Agriculteurs. « C’est un dossier passionnant. C’est Michel Busch, directeur à l’époque du syndicat, qui m’a permis d’acquérir des connaissances et de ne pas perdre le fil de l’histoire. Le Haut-Rhin a été marqué par la structuration de la gestion de l’eau. Pour nos exploitations céréalières de plaine, l’eau est l’assurance de la réussite quels que soient notre système de travail et notre production. Elle est indispensable. » Avec les accidents climatiques qui se succèdent, le sujet est de plus en plus sur le devant de la scène. « À l’époque, irriguer nécessitait d’effectuer cinq tours d’eau au maximum. Aujourd’hui, c’est la norme même dans les années où la pluviométrie est plus importante », ajoute le président de l’Apco.
Il n’est cependant pas d’accord sur les constats de nombreux interlocuteurs du monde agricole. Et ce dernier compte bien défendre son modèle de production. « Il est tout d’abord faux d’affirmer que la nappe phréatique se vide, qu’elle n’est pas inépuisable ou encore que le fait de l’utiliser à un impact sur sa biodiversité. Ensuite, le monde agricole n’est pas le seul et n’est surtout pas le premier consommateur de cette eau. Il y a d’abord l’industrie, puis nous tous pour l’eau potable. Nous agriculteurs, avons des droits d’eau qui ne sont d’ailleurs pas utilisés entièrement. On nous accuse également de mettre des cours d’eau à sec avec l’irrigation. Or, ces derniers ne sont pas entretenus depuis plus de 30 ans. Et un cours d’eau non entretenu se modifie et n’a plus le même comportement. Nous demandons que l’on puisse comme sur le Rhin, créer de nouveaux lieux pour infiltrer la nappe et la soutenir plus efficacement », ajoute Thomas Obrecht.
Gérer collectivement les canaux de la Hardt
La remise en état de ces cours d’eau et une gestion plus rigoureuse de la nappe phréatique sont l’affaire de l’ensemble de la société. Les agriculteurs en ont assez d’être la variable d’ajustement en cas de crise. « On évoque évidemment des restrictions ou des interdictions concernant l’irrigation sans aller plus loin dans la réflexion. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’être force de propositions. On travaille en binôme avec Jean Godinat, président des Jeunes Agriculteurs du canton de la Hardt-Plaine de l’Ill, pour réussir le transfert des canaux de la Hardt de l’État à un acteur local. Nous voulons réussir à lancer cette dynamique de la remise en état de ces canaux. Nous voulons également finaliser la création de nouveaux lieux de recharge de la nappe. Notre objectif cette année est de réussir ces transferts et bien entendu, d’être partie prenante dans les discussions. Le fil de notre état d’esprit est de préserver l’accès à l’eau pour les agriculteurs », insiste Thomas Obrecht.
Le monde agricole entend également mettre la pression sur les décideurs politiques pour qu’ils appliquent leur obligation d’entretien des cours d’eau, ce qui n’est plus le cas depuis deux décennies. Il compte rétablir des vérités sur l’utilisation de l’eau et rappeler toutes les études indépendantes qui démontrent l’intérêt de l’irrigation pour les cultures, mais également pour la lutte contre le réchauffement climatique. « Nous sommes à l’œuvre pour rassembler les acteurs de l’eau, nous fédérer et gérer collectivement les canaux de la Hardt », conclut Thomas Obrecht.
« Nous nous adaptons »
Salarié sur l’exploitation familiale à Bantzenheim, Jean Godinat est bien placé pour parler de l’importance de l’irrigation. Elle concerne l’ensemble des 190 hectares gérés par la ferme. « Nous produisons du maïs, du tournesol, des semences, du soja, du blé dur ces deux dernières années avec des rendements peu satisfaisants et sur une dizaine d’hectares, nous avons des prairies permanentes. Sans la garantie de l’irrigation, il n’y aurait pas la régularité des rendements et la qualité des cultures. L’irrigation nous assure également un revenu et donc la pérennité de l’exploitation », assure Jean Godinat. Il est cependant conscient que cette eau est de plus en plus prisée. Qu’il y a toujours davantage de résistances et d’incompréhensions auprès d’une partie de la population ou des pouvoirs publics. Or, sans cette eau, l’autonomie alimentaire de tout le pays ne serait pas assurée. « Cependant, nous rappelons que nous n’irriguons pas juste pour irriguer. Nous nous adaptons. Nous avons un matériel toujours plus économe en eau. Nous avons des pivots qui apportent de façon précise le volume souhaité aux bons endroits. Nous sommes tous conscients du coût de l’eau, de son importance. Comme tout le monde, nous souhaitons préserver cette ressource qui est indispensable pour nous. Mais il faut aussi rappeler que des cultures qui ne demandent pas d’eau, nous n’en connaissons pas. Et le maïs est précisément la culture qui consomme le moins d’eau. Mais elle a mauvaise presse car c’est une plante qui se voit et qui s’irrigue en été », note-t-il.
Préserver ce droit à l’eau est donc pour lui également une priorité. Il plaide également pour la possibilité d’utiliser les canaux de la Hardt à leur plein potentiel. « Cela permettrait d’amener de l’eau sur des secteurs qui en manquent comme les collines sous-vosgiennes. Il est désormais indispensable de moderniser les équipements et de pérenniser ces outils existants. Je connais par exemple des collègues qui sont obligés de faire trois puits pour avoir accès à l’eau et trouver une pompe. Cela devient compliqué sur de tels enjeux économiques. On veut donc continuer à défendre notre modèle de production », conclut Jean Godinat qui est en charge de ce dossier eau pour le département du Haut-Rhin chez les Jeunes Agriculteurs.
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