Entraide
La filière solidaire
Entraide
Publié le 01/04/2020 | par CD
Concentrée sur sa mission première de production, la filière agricole et viticole ne se montre pas moins réceptive aux besoins urgents en cette période de crise. Elle n’a pas hésité à modifier provisoirement ses activités habituelles pour livrer massivement de l’alcool et autres équipements nécessaires au milieu médical.
Le 16 mars, le président de la République a annoncé mener une « guerre » contre l’épidémie. L’heure est à la mobilisation générale de la nation. L’agriculture n’est pas en reste et démontre qu’au-delà de sa mission première nourricière, elle a des réserves d’aptitudes et de matériel pour apporter sa contribution utile à cet effort de guerre.
Produire du gel hydroalcoolique à grande échelle
En Alsace, les gels hydroalcooliques sont en rupture de stock, notamment au niveau des pharmacies. Pour faire face à cette pénurie, le groupe Cristal Union, qui exploite la sucrerie d’Erstein dans le Bas-Rhin, a annoncé l’arrêt temporaire d’une partie de sa production de bioéthanol au profit de celle d’alcool éthylique, « afin de répondre avec célérité à la demande de biocide en forte croissance ». « Depuis la fin janvier, nous avons quintuplé notre production d’alcool pharmaceutique et biocide pour alimenter les services de santé. Nous améliorons nos rendements pour augmenter encore notre production », a indiqué dans un communiqué de presse, Olivier de Bohan, son président. Le groupe produit un alcool éthylique, qualité surfin à 96 ° et 99 °, pour servir les besoins des industries de l’hygiène et des biocides. Il livre « ses clients par citerne de 30 000 litres à partir de trois sites, situés dans le Grand Est : Arcis-sur-Aube (10), Cristanol à Bazancourt (51) et Dislaub à Buchères (10) ».
Plus localement, la distillerie Romann à Sigolsheim a livré près de 13 000 litres d’éthanol aux pharmaciens alsaciennes. Le directeur, Erwin Brouard, a précisé : « pour produire du gel hydroalcoolique, il faut de l’éthanol, c’est en fait du distillat vinique qu’il faut rectifier. Pour le produire, il faut des colonnes de distillation dont nous ne disposons pas à Sigolsheim. » Pour autant, la distillerie fait partie du groupe Grap’sud, qui a la possibilité de produire de l’éthanol rectifié à Perpignan. « Nous avons donc fait rapatrier 3 000 litres d’éthanol disponibles vers le site de Sigolsheim. Par la suite, nous nous sommes fait livrer des bidons allant de 1 à 20 l, en fonction des besoins des pharmacies. La production est passée la deuxième semaine à 4 000 l ; la troisième semaine, nous avons créé plus de 5 000 l d’éthanol destinés à être transformé en gel hydroalcoolique. En tout, c’est plus de 13 000 litres de produits que nous avons distribués dans les officines de la région. »
La distillerie Wolfberger, à Colmar, a également décidé de mettre ses stocks d’alcool à disposition du corps médical. Régis Syda, responsable Technique, Recherche et Développement, explique sa démarche : « Au lendemain des municipales, nous avons entendu un appel de l’Institut Pasteur, mettant en alerte la France sur le manque de gel hydroalcoolique. C’est à ce moment que nous avons décidé de donner nos stocks d’alcool. » Par la suite, la distillerie a contacté la cellule de crise mise en place contre le Covid-19, créée par le Ministère des Solidarités et de la Santé. « L’information est bien passée, puisque les pharmacies d’Alsace ont demandé des aides et par la suite, les hôpitaux de Sélestat, Colmar et Mulhouse ont fait de même. Nous avons distribué 1 200 l d’alcool à 96° à ces trois hôpitaux. Nous avons relivré 480 l à l’hôpital de Colmar récemment. » Pour l’entreprise, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice.
Des combinaisons et des masques
Antoine Herth, député du Bas-Rhin, a déposé seize combinaisons de protection offertes par le Comptoir agricole d’Hochfelden au centre hospitalier de Sélestat. Mais il n’entend pas s’arrêter là. Il appelle tous les agriculteurs et les paysagistes qui ont des stocks disponibles à contacter l’hôpital de Sélestat.
Une autre initiative du groupe sucrier Cristal Union : 4 000 masques chirurgicaux ont été donnés à l’hôpital de Châlons-en-Champagne et les entreprises de l’Agropole d’Agen ont mis à disposition d’une clinique la même quantité.
En Meurthe-et-Moselle, Francis Claudepierre, éleveur laitier a lancé l’initiative « Merci à nos soignants ». Son but, livrer aux services de réanimation des hôpitaux des produits locaux issus d’exploitations agricoles. Au magazine Cultivar, il explique sa démarche : « Nous avons commencé, avec quatre autres producteurs locaux, à ravitailler le service hospitalier en fromages, en pain, en rillettes… Nous devrions pouvoir le faire au moins une fois par semaine jusqu’à la fin de la crise. »
Soutenir le moral des troupes
À Strasbourg, les gels et les masques ne manquent pas dans tous les hôpitaux. Heureusement ! Claire Ogier, infirmière à l’hôpital de La Robertsau, accueille des patients atteints du Covid-19. « Comme nous avons affaire à des personnes malades, nous les avons isolées dans un service spécial. Pour l’instant, nous arrivons à gérer notre stock de masques et de gants. Idem pour le gel. Ils sont minutieusement comptés et répertoriés et mis sous clé tous les soirs pour éviter les vols », explique-t-elle.
« Cependant, nous avons tous besoin de soutien, d’autant que certains collègues, infirmiers et médecins, sont aussi porteurs du Covid-19. » Le moral des troupes décline, mais elles peuvent compter sur la solidarité des artisans de la région : « Nous avons reçu de la tarte flambée qu’un restaurateur est venu nous préparer, nous avons reçu des kits café et de la confiture, des bouteilles d’eau, des pains d’épice de commerçants locaux… » Le corps médical a besoin de soutien dans tous les domaines. L’entraide doit continuer !