Confinement
La détresse des centres équestres
Confinement
Publié le 23/04/2020 | par Nicolas Bernard
À l’image des restaurants, des fermes-auberges ou des bars, les centres équestres accueillant du public ont dû fermer leurs portes depuis le début du confinement. Contrairement à certains agriculteurs, aucun drive ou livraison à domicile n’est possible pour continuer un semblant d’activité. Les rentrées d’argent sont donc nulles, ou presque, alors qu’il y a toujours des charges à payer et des animaux à nourrir.
Comme les vaches dans les étables ou les prairies, les chevaux semblent bien loin des problématiques humaines liées à l’épidémie de Covid-19. Pour leurs propriétaires, en revanche, l’inquiétude grandit face à une situation qui devient chaque jour un peu plus dure économiquement. Contrairement aux éleveurs bovins, les centres équestres ne produisent aucune alimentation pour la population. En temps normal, ce sont des lieux habilités à recevoir du public pour la compétition ou le loisir. Pourtant, ils cotisent eux aussi à la MSA, ont aussi des animaux à nourrir, et sont des utilisateurs quotidiens de céréales, de foin et de paille. Mais en ces temps de confinement, ils n’ont plus rien à vendre. Chez eux, pas de drive ou de livraison au porte à porte possible. Zéro rentrée d’argent, ou presque. Lentement, mais sûrement, ces structures se dirigent vers un point de non-retour économique. Il y a bien les reports de charge, les avances de subventions, et autres aides exceptionnelles mises en place par l’État. Mais, dans les faits, il y a surtout un immense manque à gagner qui ne sera pas comblé de sitôt. Et en attendant, il y a des animaux à nourrir et pas n’importe comment.
Pas de public, zéro revenu
Aux écuries de l’Abbaye, à Orbey, c’est toute une équipe de « sportifs » équins qu’il faut entretenir. Comme les champions de haut niveau, ils ont besoin de leur ration quotidienne (entre huit et dix kilos par animal) de foin, de pulpe de betteraves déshydratée, d’orge, de blé, de son, d’avoine et de maïs. Un mélange énergétique pour maintenir leur condition physique à un bon niveau. En parallèle, la vingtaine de chevaux et la quinzaine de poneys continuent d’être entraînés une à deux fois par semaine en attente de jours meilleurs. Le 11 mai ? Au mois de juin ? Plus tard ? Comme tous les professionnels de la filière, les propriétaires des lieux, Olivier Masson et son épouse Nathalie Baumann, sont dans le flou le plus total. « Concrètement, on a suffisamment de réserves financières pour tenir jusqu’au mois de juillet. Après, ça deviendrait très compliqué », reconnaissent-ils de concert.
Leur structure, créée en 2003 « à partir de rien », compte en temps normal 190 licenciés par semaine et emploie une salariée, actuellement en chômage partiel. Elle organise des stages pour les enfants pendant les vacances, des classes vertes, et des animations pour les particuliers. Une activité bien rodée qui est au point mort depuis la mi-mars. Contrairement à d’autres structures, aucun cheval n’est en pension chez eux. « L’impact de cette crise est juste catastrophique. On va perdre plusieurs dizaines de milliers d’euros à l’arrivée. Heureusement que nous sommes une petite entreprise, on maîtrise les coûts. Mais, dans tous les cas, on ne pourra pas repartir sur de bonnes bases avant l’année prochaine. Enfin, si tout va bien à ce moment-là », souligne le gérant. Et surtout, en admettant que l’accueil du public puisse se faire le plus rapidement, en assurant la sécurité sanitaire de tous.
Une éventualité à laquelle ils se sont déjà bien préparés. « Lorsque les écoles alsaciennes ont été fermées avant le confinement généralisé, on avait mis les mesures barrière en place pour continuer à accueillir les enfants. Cela s’était très bien passé. Et demain, nous pourrions très bien aller plus loin. Nous envisageons d’offrir un masque en tissu lavable et nominatif à chacun de nos clients, à mettre en place des mesures de désinfection des équipements, de travailler en petits groupes, et d’accueillir les parents sur le parking. Si on nous autorise à ouvrir, cela ne posera aucun problème pour nous », estime Nathalie Baumann. Le plus tôt sera évidemment le mieux. Les équidés doivent continuer à manger normalement. Et ce n’est pas leur petite prairie de cinq hectares qui pourra subvenir à leurs besoins. « À partir du mois de mai, cela devient une source d’alimentation ponctuelle pour nos animaux. On les met le week-end, le temps de se reposer. Mais en aucun cas, on pourrait utiliser cette prairie comme source d’alimentation permanente », fait remarquer Olivier Masson. Reste l’hypothèse - extrême - de devoir se séparer de l’une ou l’autre bête en cas de prolongation du confinement pendant l’été. Une option « même pas envisageable » pour Nathalie Baumann. Ces poneys et chevaux sont comme des « collègues de travail », membres à part entière de l’entreprise familiale. « Nous les avons depuis qu’ils sont petits. Ils sont complémentaires et n’ont même pas de valeur marchande », poursuit-elle.
Appel aux dons pour du fourrage
Plus au sud du département du Haut-Rhin, à Riedisheim, le centre équestre régional du Waldeck vit une situation encore plus compliquée que celle des Écuries de l’Abbaye. Il s’agit de la plus grosse structure équine du secteur de Mulhouse. Elle héberge 75 équidés, dont trente en pension, accueille 270 cavaliers et emploie six salariés. Comme à Orbey, elle tire ses revenus de l’accueil du public pour des leçons d’équitation, des stages, mais aussi des compétitions. Si les adhérents ont accepté de continuer à payer leur cotisation par « solidarité » malgré le confinement, les revenus générés en ce moment ne permettent pas de faire face aux charges courantes. « Il y a aussi les revenus des pensions. Mais ce n’est pas suffisant. Nous accusons une perte sèche mensuelle comprise entre 8 000 et 9 000 euros. Et le problème, c’est que nous fonctionnons à flux tendu. Nous avons au mieux trois semaines de réserves », témoigne Fabien Varoquier, secrétaire général du centre équestre du Waldeck. Et, là aussi, il y a des animaux à nourrir et à maintenir en forme. D’où l’appel aux dons lancé il y a quelques jours sur la plateforme Leetchi pour acheter du fourrage. « Nourrir nos animaux est notre principale priorité. Mais cela coûte cher. Et, avec notre trésorerie déjà affaiblie, le risque est réel pour notre entreprise et nos animaux. » Habituellement, le foin est livré par un grossiste de Dijon. « Mais il veut être payé tout de suite, et ce n’est pas le moins cher. C’est pour cela que depuis un an et demi, on essaie de trouver du foin chez les agriculteurs du secteur. Il est moins cher et de meilleure qualité. » Depuis le début du confinement, tous ces petits fournisseurs « locaux » ont su répondre présent, à leur manière, pour soutenir le centre équestre du Waldeck. Certains ont fait un « petit geste » sur le prix, tandis que d’autres agriculteurs ont carrément fait don de fourrage. « C’était des fonds de grange qu’ils voulaient vider pour laisser de la place pour la nouvelle coupe », précise Fabien Varoquier. Pour trouver de nouveaux fournisseurs, le chef palefrenier parcourt les annonces sur Le Bon Coin et passe par le bouche-à-oreille. « C’est un peu le système D à coup de dix balles de foin par ci, cinq balles de foin par là. Mais nous n’avons pas le choix », regrette-t-il.
Comme Olivier Masson et Nathalie Baumann, il espère que les portes de son établissement pourront ouvrir le plus rapidement possible. À défaut de pouvoir sauver la saison en cours, il ne faudrait surtout pas pénaliser la prochaine. « Si la situation dure encore deux mois comme ça, je ne sais pas si nos adhérents continueront à payer pour rien. Et je comprendrai très bien cela. Mais surtout, ils pourraient hésiter à se réinscrire cet été pour la saison prochaine. Financièrement, cela ne serait plus tenable pour notre structure. Et cela serait triste qu’une institution vieille de 150 ans disparaisse du jour au lendemain pour quelques milliers d’euros manquants. »
Structures équestres cherchent pâtures pour les chevaux
Suite aux mesures de confinement, les structures équestres ne peuvent plus accueillir leurs cavaliers. Elles doivent assurer l’alimentation des chevaux alors que les trésoreries sont au plus bas, mais aussi prendre en charge la sortie quotidienne conséquente des chevaux, qui ne sont plus montés par les cavaliers. De même, la main-d’œuvre est réduite, du fait du chômage partiel ou de la garde d’enfant. Une des solutions identifiées serait que ces chevaux puissent être mis en pâture. En effet, cela leur permettrait de satisfaire à la fois leur besoin alimentaire et assurer leur activité. Or, les structures équestres ne disposent pas toutes de surfaces ou pas suffisamment pour mettre en place cette solution. Ils sont donc à la recherche de pâtures. Les agriculteurs ou éleveurs qui disposeraient de prairies sous-exploitées ou disponibles pour ce printemps sont invités à se faire connaître.
Soit auprès d’Émilie Rivière à la Chambre d'agriculture du Grand Est : emilie.riviere@grandest.chambagri.fr ou au 06 01 21 36 65 ;
Soit sur le groupe fermé Facebook : offres/demandes de pâturages pour les structures équestres du Grand Est.
Beaucoup de demandes y figurent déjà. La Chambre ne peut assurer qu’un service de mise en relation. Tenter cette opération peut se révéler gagnant pour les deux parties. Une initiative de ce type a bien fonctionné dans les régions Hauts-de-France et Bourgogne Franche-Comté.