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Retrouver la confiance

Publié le 20/12/2024 | par sr_phr

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L’agriculture est certainement le secteur économique le plus impacté par les excès climatiques. 
Bérengère de Butler

Par Denis Nass, président, et Denis Ramspacher, 1er vice-président, de la Chambre d'agriculture Alsace.


L’année 2024 a été éprouvante au niveau climatique, économique mais aussi politique. Sur le terrain, les inquiétudes des agriculteurs sont perceptibles dans toutes les filières. Face aux nombreux défis il faut des réponses concrètes sur le court terme mais il faut surtout retrouver des perspectives, il faut donner confiance aux jeunes générations pour s’engager dans ce métier exigeant mais passionnant. L’agriculture est plus que jamais un métier d’avenir, essentiel pour notre société, indispensable pour la souveraineté alimentaire de notre pays.

La météo particulièrement pluvieuse en 2024 n’a pas épargné notre territoire avec des récoltes souvent décevantes. Les travaux dans les champs et les vignes furent compliqués, la pression des maladies intense et la récolte de l’herbe souvent impossible. Finalement c’est le maïs qui s’en sort le mieux avec des rendements plutôt bons sur les parcelles qui n’ont pas souffert de l’excès d’eau.

Les agriculteurs savent depuis toujours qu’il faut composer avec la météo. Mais force est de reconnaître que le changement climatique provoque des aléas de plus en plus nombreux et de plus en plus intenses.

L’élevage, plutôt épargné par la conjoncture morose, subit à présent l’épidémie de FCO qui frappe les producteurs ovins mais aussi les éleveurs laitiers et allaitants provoquant une hausse brutale de la mortalité, des avortements… Les conséquences sur la production en 2025 seront importantes malgré les efforts de vaccination que nous encourageons vivement.

Un contexte politique insensé

Le contexte politique français n’est malheureusement pas rassurant avec des réformes et des mesures annoncées ce printemps qui sont pour beaucoup restées en cale sèche suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale.

Les mesures de simplification promises tardent à voir le jour. La loi d’orientation agricole censée renforcer notre souveraineté alimentaire et favoriser l’installation, est repoussée à plus tard. Pire, les mesures d’urgences prévues au budget Barnier pour répondre aux difficultés économiques et sanitaires des agriculteurs ont été balayées par une motion de censure qui bloque une nouvelle fois toute capacité d’action dans notre pays. Quel gâchis !

La France ne peut que sortir affaiblie de cette instabilité politique. Le monde économique, les entrepreneurs, les artisans, les agriculteurs ont besoin de visibilité pour investir, se projeter, créer des emplois… L’enjeu pour le nouveau Gouvernement est donc très clair : stabilité et efficacité au service de l’intérêt général de notre pays !

Redonner un cap

La crise du Covid, la guerre en Ukraine, les tensions commerciales entre les USA, la Chine et les pays émergents doivent nous interpeller sur la place de l’Europe dans un monde qui change… Pendant que Donald Trump déroule son programme « America first » avec de nouvelles taxes à l’importation, Ursula von der Leyen ouvre en grand le marché européen aux importations du Mercosur qui ne respectent en rien nos standards de productions agricoles et agroalimentaires. C’est un coup bas contre nos agriculteurs. Mais c’est aussi une erreur stratégique qui va à l’encontre de la souveraineté et de la sécurité alimentaire pourtant plébiscitées par nos citoyens et consommateurs européens. Il faut donc continuer à s’opposer à cet accord et mettre en adéquation le discours politique en France et les actes. L’agriculture européenne et française a besoin de perspectives d’avenir et d’un cap clair.

Le renouvellement des générations et l’installation des jeunes sont notre défi numéro 1. Mais les discours incantatoires en faveur de l’installation ne suffiront pas pour créer des vocations. Les projets devront être économiquement viables et socialement vivables pour se pérenniser.

Nos productions doivent donc être correctement valorisées, nos marchés protégés contre la concurrence internationale déloyale. La question de l’évolution de nos charges restera un sujet central, tout comme celle de nos moyens de production. Stop à l’empilement de normes, de réglementations et autres contraintes qui pèsent économiquement mais aussi mentalement sur les épaules des agriculteurs.

Répondre aux défis climatiques

L’agriculture est certainement le secteur économique le plus impacté par les excès climatiques. Sécheresse, inondations, grêle, gel, ces phénomènes se multiplient année après année.

Face à ce constat, nous devons porter un message très clair pour inciter les agriculteurs à s’assurer davantage car un coup dur climatique peut être dramatique pour une exploitation. Mais nous devons aussi agir pour mieux nous prémunir de certains risques climatiques et améliorer la résilience de nos systèmes de production. L’innovation, la recherche variétale, les améliorations agronomiques constituent autant de leviers essentiels que nous pouvons activer.

L’irrigation, là où elle est possible, constitue la meilleure assurance contre les sécheresses pour toutes nos productions, en particulier pour les cultures d’été, les fruits et légumes, les productions spéciales et même la viticulture afin de préserver la qualité et la typicité des vins d’Alsace. Nous avons engagé avec l’Agence et les services de l’État la déclinaison du « plan eau » en Alsace. Il doit nous permettre de consolider les volumes d’eau nécessaires pour les irrigants des secteurs historiques, mais également sécuriser l’accès à l’eau pour de nouveaux projets.

Engagés dans les transitions

Nous devons l’affirmer haut et fort, les agriculteurs sont pleinement engagés dans la protection des ressources naturelles. Nous pouvons être fiers de notre bilan en la matière comme en atteste l’étude sur la qualité de l’eau qui vient d’être présentée par l’Aprona. Les taux de nitrates sont en baisse quasiment partout en Alsace depuis plus de 20 ans. Mieux, les analyses de produits phytosanitaires dans la nappe d’Alsace font état d’une baisse de 18 % en moyenne entre 2016 et 2023. Ces résultats ont été salués par l’État, l’Agence de l’eau, les collectivités territoriales, même s’il reste des points d’amélioration ici ou là. La presse généraliste a malheureusement peu repris cette information, préférant parler de la pollution généralisée par les PFAS.

Retenons que les actions menées par les agriculteurs sous l’impulsion de la Chambre d’agriculture et de l’ensemble de la profession portent leurs fruits, et il faut le faire savoir auprès des décideurs et du grand public. Encourager, plutôt que contraindre, proposer des solutions plutôt que des interdictions, voilà notre stratégie qui a fait ses preuves et que nous devons poursuivre à l’avenir.

L’agriculture souhaite s’inscrire pleinement dans la transition énergétique et notamment la Loi pour l’accélération de la production des énergies renouvelables (loi Aper). Nous devons encore développer le photovoltaïque sur les toitures des bâtiments agricoles et défendons une vision raisonnée et encadrée de l’agrivoltaïsme pour créer de la valeur dans les exploitations et les territoires, sans jamais compromettre la vocation nourricière de l’agriculture.

Quant à la méthanisation, nous estimons qu’il reste encore des gisements inexploités sur notre territoire pour développer la production de biogaz à partir de nos effluents d’élevage, de nos déchets et autres cultures dérobées.

Valoriser nos atouts

L’agriculture alsacienne a de nombreux atouts. Elle peut compter sur des femmes et des hommes compétents et motivés. Elle peut compter sur des filières de production diversifiées, sur l’attachement des consommateurs à nos produits locaux et sur le soutien des concitoyens. Elle peut compter sur l’appui des collectivités, la Région Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace.

Au terme de notre mandat en binôme à la tête de la Chambre d’agriculture nous sommes fiers d’avoir pu servir la cause du monde agricole alsacien et contribuer à faire avancer concrètement de nombreux dossiers essentiels pour notre profession. Merci à l’ensemble des élus, merci aux collaborateurs pleinement engagés dans leurs missions, merci aux agriculteurs pour leur confiance.

La véritable valeur ajoutée de la Chambre d’agriculture réside dans sa double mission de représentation des agriculteurs, d’interlocuteur des pouvoirs publics et des collectivités mais aussi d’acteur de terrain, pour orienter, informer, former, conseiller, accompagner tous les agriculteurs.

Pour que la Chambre d’agriculture reste forte, écoutée et respectée, pour qu’elle puisse porter haut la voix des agriculteurs, des salariés, des propriétaires, des anciens exploitants et des groupements professionnels, nous vous invitons massivement à voter lors des élections qui seront organisées dès ce mois de janvier.

Nous vous souhaitons de passer de paisibles fêtes de fin d’année en famille. Que 2025 puisse vous apporter la santé, la sérénité et beaucoup de satisfaction dans vos projets personnels et professionnels.

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