Brasseries artisanales
Elles se réinventent
Brasseries artisanales
Publié le 11/05/2020 | par Cécile Hans
Alors que le marché de la bière française prévoit une baisse de 30 à 40 % de son activité (estimation de la brasserie Kronenbourg), les brasseries artisanales alsaciennes tentent de s’accommoder à la situation de crise, tout en espérant en sortir bientôt.
Fortement impactées par la fermeture des cafés, hôtels et restaurants (CHR), les brasseries artisanales ont notamment adapté leur mode de conditionnement. « La vente de fût a été stoppée nette, alors qu’elle représente 40 % du volume produit et nous permet une recette fixe annuelle. Et, du fait de l’arrêt de tous les événements culturels et festifs, les tireuses mobiles restent au dépôt », témoigne Barnabé Stoehr. Il a repris la microbrasserie S’Humpaloch en janvier 2018. Installé à Lautenbach, il a produit 200 hl l’année dernière.
De dix caisses par mois à vingt caisses par semaine
Pour autant, il continue à travailler avec son salarié pour répondre à la demande grandissante de bières en bouteilles. « Elles sont distribuées par des agriculteurs et maraîchers qui font de la livraison et du drive, le temps de l’interdiction des marchés, par deux Amap et plusieurs magasins bio. C’est notre particularité : nos bouteilles sont vendues dans un réseau de distribution local, en circuit court. » Ce réseau de distribution est devenu sa force face à la crise. « Par exemple, le maraîcher Les chants de la terre, à Colmar, nous achetait cinq à dix caisses par mois. Aujourd’hui, ce sont vingt caisses par semaine », détaille le brasseur. Il a pu s’approvisionner auprès de son fournisseur habituel, la malterie Eckenstein, à Lahr, en Allemagne, qui commercialise l’orge bio produite dans le Grand Est depuis 2017. Avant le confinement, Barnabé Stoehr avait mis 600 litres de bière de printemps en fût. Il espère pouvoir la faire déguster courant du mois de juin, lors de concerts locaux.
Christian Artzner a, lui, fait renaître la brasserie familiale Perle en 2009. L’an dernier, 4 500 hl étaient sortis des cuves de la Plaine des bouchers, à Strasbourg. Depuis le début du confinement, la brasserie et ses sept salariés tournent à « 30 % du régime habituel ». « Deux tiers de la production part normalement en fût pour les restaurants et l’événementiel, et un tiers en bouteilles », explique Christian Artzner. Ces dernières sont vendues en supermarché, chez des cavistes et dans des fermes. « Nous avions fait le plein de malt et de houblon avant le confinement donc il n’a pas été nécessaire de solliciter notre réseau d’approvisionnement », dit-il.
« Un virus ne va pas stopper l’une des boissons la plus vieille du monde »
« Ce n’est pas un virus qui va arrêter l’une des boissons la plus ancienne, celle qui accompagne les civilisations depuis 6 000 ans, mais cela porte un gros coup dans notre dynamique. On a seulement dix ans. Nous étions en progression mais nous avions aussi de gros projets de développement qui sont aujourd’hui à l’arrêt », regrette le brasseur strasbourgeois. « En été, nous vendons 30 % de bouteilles, 45 % en CHR et 25 % pour des événements. » L’impatience de la réouverture des restaurants est donc bien présente.
Depuis quatre semaines, les clients peuvent venir se fournir directement à la brasserie, le week-end, après avoir passé commande en ligne par un système de drive. « Nous n’avons pas souhaité nous lancer dans la livraison car ce n’est pas notre métier et nous voulons permettre à nos revendeurs habituels de faire leur travail. » En revanche, ils se sont consacrés à des tâches qu’ils ont moins l’occasion d’accomplir dans le tumulte habituel : brasser l’orge pour la distillerie Hagmeyer à Balbronn et réfléchir à des projets innovants à venir. « Je pense que l’aspect positif qui restera de cette crise est l’attention que le consommateur porte à la production locale. La prise de conscience avait débuté avant mais il devient évident pour tous que l’on doit se soutenir mutuellement et que cette solidarité doit être géographique », conclut-il.
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